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Blog d'auteur

Bienvenue. Après trois romans policiers, venez lire mon petit roman fantastique gratuit, L’Étrange monsieur Sergent...

Enquête sur la victime

Retrouvez les aventures de Lecouerc et Jacquier, deux lieutenants de police en quête de vérité...

Il y avait une chance sur cent. Une chance sur cent de trouver une place de parking en plein centre à cette heure-là de la journée. Tout pouvait donc arriver. Voilà que Lecouerc avait le sourire. Un fait, d’abord insignifiant, pouvait rendre l’humain aussi heureux qu’un cochon d’Inde trouvant du foin. Jacquier l’accompagnait et ne semblait pas mécontent de la promenade. Petite promenade s’il en ait, un quart d’heure maximum en venant du commissariat.
La tâche s’annonçait pourtant ardue. Pas de quoi mettre un flic de bonne humeur, et encore moins deux. Mais, non, pensez-vous, le soleil était au rendez-vous. Il s’agissait d’arpenter les lieux où Boubaye vivait et de collecter un maximum d’informations sur ses habitudes et ses mœurs. Il n’habitait pas au milieu des autres voyous, mais s’était installé tranquillement dans un immeuble qui venait de se construire  en plein centre d’Échirolles. Une fièvre immobilière s’était emparée du quartier et faisait les beaux jours des architectes et des entreprises de bâtiments publics du coin.
Comme dans pareil cas, les voisins ne s’étaient pas étonnés du train de vie d’une personne, qu’ils croisaient de temps à autre au rez-de-chaussée ou dans l’ascenseur de la copropriété et qui semblait avoir des horaires de travail très fluctuants. Le duplex du malfrat occupait tout le cinquième et dernier étage. Cuisine à l'américaine, fauteuils en cuir, équipements multimédias dernier cri, rien ne manquait, même pas les dernières bouteilles de bières sauvagement assassinées et les mégots fumés, mais laissés çà et là dans différents coins. La police scientifique étant passée il y a quelques jours, les lieutenants n’eurent pas le droit à ce triste spectacle, même s'ils en observèrent les photos.
Il restait à visiter les commerces tout proches, en commençant par le tabac-presse, adossé idéalement à un bar et à une pharmacie. Boire, fumer et se soigner. Il ne manquait plus que le cimetière. Le centre médical se posait là, à quelques pas.
Jacquier entra le premier dans la boutique. Il ignora superbement tous les magazines et alla directement faire la queue. Lecouerc, elle, en feuilleta quelques-uns, avant de revenir victorieusement vers Jacquier avec un numéro de « Mieux cuisiner pour mieux vivre ».
–  Eh bien, on ne saura pas venu pour rien, souligna ironiquement le lieutenant.
–  Justement, Jacquier, vous n’auriez pas deux euros à me prêter, je n’ai pas tout à fait la somme qu’il faut.
–  Ben voyons, dit-il d’un air mauvais. Vous mériteriez que je vous laisse là, en plan avec votre papelard… Tenez…
–  Je vous les rendrais dés demain Jacquier, ne vous en faîtes pas !
Devant eux, une dame, la cinquantaine, une coupe en brushing, peut-être tout juste sortie d'un coiffeur afro, prenait des tickets de Bingo. Son nez remuait de droite à gauche.
–  Vous avez senti cette drôle d’odeur ? Je n’aime pas ça, qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle à la jeune buraliste.
–  Ah, les petits cons ! s’exclama Jacquier.
–  C’est du shit madame, répondit-elle.
Jacquier se précipita à l’extérieur du magasin. La fumée, poussée par le vent, était insidieusement rentrée dans le commerce. Deux adolescents fumaient tranquillement à la terrasse. L’un des deux, qui roulait tranquillement son joint faillit le renverser lorsque le grand blond aux chaussures marrons déboula. L’autre consommateur de substances illicites s’arrêta, extatique, en pleine action de fumette. Ils ne se firent pas priés pour quitter précipitamment la place.
Lecouerc pointait maintenant la photo de Boubaye devant les yeux inquiets de la buraliste.
–  Vous savez, tout le monde le connaissait ici…
–  De quelle façon ?
–  Eh bien, il parlait fort, de grosses bagues aux doigts, sa BMW garée en double file…
–  Y avait-il quelqu’un avec lui lorsqu’il venait ici? demanda Jacquier.
–  La plupart du temps, non, il descendait de chez lui, prêt à prendre sa voiture pour partir au travail.
–  Quel travail ?
–  C’est juste une expression…
–  La plupart du temps, poursuivit Lecouerc, ça veut dire que parfois il était accompagné ?
La buraliste opina de la tête.
–  Une femme ?
–  Oui, Dong.
–  Dong ? C’est son nom de famille ?
–  Non, c’est son prénom.
La buraliste regarda fébrilement le plus loin qu'elle put pour être sûre que personne n’allait l’entendre. Il y avait juste un type qui cherchait son bonheur en feuilletant des magazines porno.
–  Dong Sempachapan.
–  Dong Sempaquoi ? Vous écrivez ça comment ?
–  Sempachapan.
–  Vous avez son adresse ?
–  Non, mais elle travaille à Grand Place… Elle est vendeuse dans un magasin de fringue qui s’appelle « Pour Lui ».
Jacquier revint fièrement vers le comptoir de la buraliste. Il avait eu le temps de discuter avec la dame au brushing. Cette dernière venait de sortir de la boutique. Jacquier se planta aux côtés de Lecouerc.
–  Ah ! Jacquier, je sens qu’aujourd’hui, je vais vous relooker, alors, en route !
–  Pourquoi donc ? Je ne suis pas bien habiller ?
–  Ne commencez pas à râler Jacquier, c’est pour les besoins de l’enquête.
–  Et on va où ?
–  Grand Place, à côté…
–  Lecouerc, vous voulez que je vous raconte l’histoire de Grand Place ?
–  Vous voulez me raconter l’histoire d’un centre commercial ? Vous êtes sérieux Jacquier ?

–  Je suis toujours sérieux, et ce n’est pas n’importe quel centre commercial…

Lecouerc avait un sourire en coin.
–  Dites toujours.
Elle se dirigea du côté conducteur du véhicule sans que Jacquier ait eu la force de protester, tant il était absorbé de savoir comment il allait réaliser la prouesse de raconter l’histoire d’un centre commercial. C’était sans doute la tâche la plus ardue de la journée… Et tout cela devait être exécuté en cinq minutes, le temps qu’il fallait pour s’y rendre. Jacquier commença son récit au moment-même où Lecouerc enclencha la clé de contact, comme s’il avait s’agit d’un chronomètre.
–  Au départ, au début des années 1970, avait été crée le gros supermarché que l’on connaît maintenant. Les villes de Grenoble et Échirolles voulait constituer un centre commercial, censé mieux aménager la ville. Ce sont les villes elles-mêmes qui ont mis le financement nécessaire, et les travaux débutèrent en 1974.
–  Quel mois de l’année ?
–  Janvier…
–  Il est pas croyable !
–  Et je peux même vous dire que c’est le 26 août 1975 que le temple de la consommation grenobloise ouvrit ses portes. Des aménagements furent faits en 1988 et 2000, et que c’est un groupe privé qui gère l’ensemble. Il y a en moyenne plus de 30 000 visiteurs par jour qui fréquentent ce centre commercial…
–  Mais, dites-moi Jacquier, vous passez vos nuits à vous renseignez sur des trucs sans importance ?   
– Ce ne sont pas des trucs sans importance, tout est important. Souveznez-vous les troncs d'arbres qui tombaient en plein milieu des routes…(voir "Tuez-les tous Dieu reconnaîtra (peut-être) les siens)  La connaissance amène au pouvoir, la connaissance est le pouvoir. « Know your ennemies » comme le chantait Rage Against The Machine !
–  Vous êtes complètement barré Jacquier, complètement…
–  Ils n’ont rien inventé. Ils ont dû s’inspirer du très célèbre Sun Tzu.
–  Mais bien sûr…
–  L’art de la guerre. La citation exacte est : « Qui connaît son ennemi comme il se connaît, en cent combats ne sera point défait ». Et c’est là que j'arrive à notre enquête, il faut essayer de connaître un maximum les protagonistes, dont la victime Boubaye et sa petite amie qui travaille à Grand Place…
–  Eh bien, nous allons voir ça tout de suite, je vais me garer au sous-sol, ce sera plus simple…
Lorsque les policiers entrèrent dans le magasin, ils se firent d'abord passer pour des clients ordinaires. Ils la repérèrent de suite. Dong faisait partie de ses vendeuses qu’on n’oublie pas. Elle vous lançait du « Monsieur » ou « Madame » en veux tu en voilà. D’origine vietnamienne, brune, toujours impeccablement maquillée, elle multipliait les marques de politesse avec une déférence qui en devenait parfois obséquieuse.
Pendant que Jacquier essayait un pantalon, Lecouerc surveillait les moindres faits et gestes de la jeune femme. Cette dernière n’était tout de même pas au meilleur de sa forme, elle avait les traits tirés et la mine défaite. Son visage reflétait un mélange de tristesse et de peur, même si elle semblait conserver son professionnalisme. Elle avait déjà beaucoup de mérite à travailler si peu de temps après l’assassinat de son petit ami.
–  Venez me voir Lecouerc, comment vous me trouvez ?
Le pantalon était naturellement trop long, mais il convenait tout à fait bien au lieutenant.
–  C’est parfait Jacquier, juste quelques retouches et vous allez emballer toutes les filles dans la rue… Alors, vous le prenez ? 
–  Oui, je le prends, dit Jacquier avec un grand sourire.
–  Il le prend, répéta-t-elle suffisamment fort pour que Dong entende.
Celle-ci arriva au pas de course.
–  Oui, ne bougez pas monsieur, je vais vous mettre des épingles, monsieur.
–  Jacquier, lieutenant de police Jacquier.
Dong s’interrompit dans son mouvement, alors qu’elle commençait à s’agenouiller afin de poser les épingles.
–  Ah, vous n’êtes pas venu juste pour acheter un pantalon…
–  Lieutenant Lecouerc, nous avons quelques questions à vous poser, mais finissez tout de même de lui poser ses épingles… Ensuite, vous demanderez une pause à votre collègue.
En deux temps et trois mouvements, elle s’exécuta, habituée à faire les mêmes gestes à longueur de journée. Pendant que Jacquier se rhabillait, Dong informa celle qui était en fait sa patronne. Le lieutenant régla le montant de la facture et Dong les emmena dans l’arrière-boutique. Elle leur servit un café.
–  Je pense que vous savez pourquoi nous sommes ici…
–  Oui, je m’en doute…
–  Vous étiez la petite amie de Boubaye, n’est-ce pas ?
–  Ecoutez, d’accord, je sortais avec lui, mais ça ne fait pas longtemps et je le connais très peu.
–  Combien de temps ?
–  Deux mois environ…
–  Et que faisait-il de ses journées ?
–  Je ne sais pas trop, pas grand-chose.
–  Vous ne lui avez pas demandé quel était son métier ? Vous plaisantez j’espère, vous n’aviez pas remarqué que vous sortiez avec un truand ?!
–  Si, bien sûr, mais je ne lui demandais rien de ce qu’il faisait. Et il m’avait demandé de ne jamais lui en parler.
–  Dites-moi, c’est un peu facile, non ? On profite bien de l'argent sale pendant des mois et quand arrivent les problèmes, on dit : « Je ne sais rien ».
–  Mais, je n’ai rien fait de mal.
–  Bon, on a assez perdu de temps. Jacquier, venez, on va préparer une convocation pour la demoiselle et on fera un interrogatoire en règle d’ici deux jours.
–  On veut être arrangeant, nous, et puis voilà, la petite dame se met en tête de ne rien nous dire...

 

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